La genèse du projet
Comme société, ce que nous choisissons de mesurer importe beaucoup. Cela détermine la priorité consacrée aux enjeux sociétaux et l’orientation des politiques publiques. En d’autres mots, la direction prise par toute une société.
Fruit d’un imposant travail de co-construction au sein du collectif G15+, des organisations des milieux économiques, financiers, sociaux, syndicaux, environnementaux, académiques et philanthropiques se mettent d’accord pour la toute première fois sur la façon de mesurer le bien-être des Québécoises et des Québécois.
Ce projet met à la disposition des décideurs publics et du grand public 55 indicateurs économiques, sociaux et environnementaux pour mesurer le bien-être de la population québécoise et placer la qualité de vie au cœur de nos décisions collectives.
Le Produit intérieur brut (PIB) et la création d’emplois ne suffisent plus pour évaluer le bien-être des Québécoises et des Québécois. En pleine urgence climatique, sociale et sanitaire, il est nécessaire de revenir à ce qui compte le plus aux yeux des gens et d’identifier ce que nous valorisons réellement au Québec.
Ce projet est une contribution importante de la société civile à la construction d’une société solidaire, prospère et verte. En mettant les Indicateurs du bien-être au Québec à la disposition des décideurs publics, le G15+ contribue à améliorer notre compréhension de l’interdépendance des dimensions économiques, sociales et environnementales afin d’adopter des politiques publiques conformes aux attentes de la population québécoise et à la hauteur des défis d’une société du 21e siècle.
Le G15+ lance un appel à nos décideurs publics pour prendre en main et mettre à jour les Indicateurs du bien-être au Québec. Faute de données robustes ou fréquentes, plusieurs indicateurs devront être mieux documentés pour mesurer toutes les facettes du bien-être des Québécoises et des Québécois. L’impact de la pandémie de COVID-19 sera intégré par le collectif pour avoir un portrait fiable de l’évolution des tendances.
Cette démarche s’appuie sur une approche méthodologique rigoureuse validée par des experts issus de toutes les organisations membres et partenaires du G15+, notamment grâce à la contribution exceptionnelle de l’Institut du Québec et de l’économiste François Delorme.
L’économie du beigne
Et si la meilleure façon de schématiser l’économie du 21e siècle était un beigne ?
En 2012, l’économiste britannique Kate Raworth de l’Environmental Change Institute à l’Université Oxford a illustré sous la forme d’un beigne l’espace d’équilibre permettant au développement économique de se mettre au service de l’humain et de la planète.
Le diagramme suivant, adapté du modèle de Raworth, présente les dimensions que les Indicateurs du bien-être au Québec proposent de mesurer.
Cette modélisation permet de mettre l’accent sur ce que devrait être l’objectif d’une politique économique moderne (parce qu’inclusive et durable) et sur l’interconnexion entre les différentes dimensions économiques, écologiques et sociales. En effet, entre ces balises sociales et écologiques se trouve un espace prospère, durable et socialement juste dans lequel la société peut s'épanouir.
La limite inférieure du beigne représente le plancher formé des balises économiques et sociales du bien-être. En-deçà de ce plancher (à l’intérieur du beigne), l’individu ou la communauté ne vit pas dans des conditions de vie épanouissantes et acceptables.
La limite supérieure du beigne représente le plafond environnemental formé des balises environnementales du bien-être. Au-delà de ce plafond (à l’extérieur du beigne), les limites planétaires sont excédées.
Les pistes d’action à l’intention des décideurs publics
Les membres et partenaires du G15+ lancent un appel à nos décideurs publics et leur adressent cinq pistes d’action :
①
Placer davantage le bien-être au cœur des gestes des décideurs publics par l’arrimage d'indicateurs de bien-être à la planification budgétaire et stratégique de l’État ;
②
Produire et mettre à jour de façon systématique (annuelle ou aux deux ans) les données statistiques nécessaires à l’élaboration d’indicateurs robustes sur l’état du bien-être des Québécoises et des Québécois, avec la contribution des Indicateurs du bien-être au Québec comme base de travail ;
③
Arrimer les méthodologies en établissant une collaboration fédérale-provinciale-territoriale de haut niveau afin de bien mesurer l’état du bien-être des Québécoises et des Québécois ;
④
Doter les Indicateurs du bien-être au Québec de cibles, dans la mesure du possible, pour mieux mesurer et accélérer le progrès vers leur atteinte ;
⑤
Offrir à la population une vue synthétique de l’évolution du bien-être par grande thématique économique, sociale et environnementale en étudiant l’opportunité d’enrichir les Indicateurs du bien-être du Québec de trois indicateurs composites et d'un indice global.
Les constats
Premier constat : le PIB et la création d’emplois ne suffisent plus pour évaluer le bien-être des Québécois et Québécoises.
Depuis des décennies, au Québec comme ailleurs, le Produit intérieur brut (PIB) est devenu si central dans l’évaluation de la « richesse » que cette mesure est devenue l’étalon d’or du succès d’un pays.
Or, les défauts du PIB en tant qu’indicateur du bien-être d’une population sont aujourd’hui largement documentés. Si le PIB nous informe sur la valeur produite par le travail et le capital, il reste muet sur sa nature et sur l’épanouissement qu’il apporte aux membres d’une société. De même, si le PIB valorise les activités qui stimulent notre économie à court terme, rien ne nous renseigne sur les impacts qu’elles causent à notre planète à long terme. À mesure que les défis sociétaux se complexifient (vieillissement de la population, réchauffement climatique, évolution de l'état de la biodiversité, distribution de la richesse, automatisation du travail, etc.), les limites du PIB sont de plus en plus évidentes aux yeux de la population. Deuxième constat : nos décisions collectives doivent mieux refléter les enjeux qui interpellent les Québécoises et les Québécois, et viser davantage le bien-être collectif, la santé de la population et la capacité régénérative de notre environnement. Depuis quelques années, plusieurs nations comme l’Écosse, l’Islande, la Finlande, le Pays de Galles ou la Nouvelle-Zélande ont décidé de remettre en question la vision étroite du PIB au profit d'une vision plus large du bien-être. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, les Québécoises et les Québécois souhaitent prendre le virage du bien-être :
Un sondage Léger de juin 2020 indiquait que deux tiers des Québécoises et Québécois (67 %) souhaitaient qu’un Québec sorti de la crise de la COVID-19 priorise d’abord et avant tout la santé, l’environnement et la qualité de vie, en plus de la croissance économique.
Une enquête d’opinion publique commandée par le ministère des Finances du Canada en août 2020 dévoilait que 82 % des Canadiens étaient d’accord que des mesures au-delà du PIB étaient importantes dans leur vie quotidienne, et une majorité était d’accord qu’il était très important que le gouvernement tienne compte de facteurs comme la santé, la sécurité et l’environnement lorsqu’il prend des décisions.
Nos décideurs publics doivent s’inspirer de ces résultats pour élaborer des politiques publiques qui promeuvent un développement économique inclusif et durable. Troisième constat : c’est en mesurant mieux ses signes vitaux que le Québec pourra tendre vers ce à quoi sa population aspire. Pour déployer le Québec que nous voulons, avoir des indicateurs de progression de notre essor économique, social et environnemental est essentiel. Or, encore aujourd’hui, il est impossible de mesurer un grand nombre de signes vitaux du Québec de manière fiable, robuste et fréquente. Plusieurs indicateurs restent inexistants, particulièrement en matière sociale et environnementale.
La petite histoire du PIB
Il est facile d’oublier que le PIB est un indicateur inventé en 1934 par l’économiste Simon Kuznets pour mesurer les effets de la Grande Dépression sur l’économie américaine. Même à l’époque, son concepteur met en garde les décideurs publics contre l’utilisation du PIB comme indicateur de bien-être. Pertinent, mais pas exhaustif, il omet toute mesure de répartition de richesse, de qualité de l’environnement, de santé ou de bonheur, pour ne nommer que ceux-là. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le PIB est définitivement intégré aux institutions. Au sortir d’une autre crise historique, ce n’est donc pas une vue de l’esprit que d’affirmer qu’un outil imaginé il y a près de 90 ans ne suffit plus pour répondre aux défis structurels de la société d'aujourd'hui et de demain.
L'approche méthodologique
Les organisations et les partenaires du G15+ ont mené une importante démarche de co-construction s’appuyant sur une approche méthodologique rigoureuse validée par l’Institut du Québec et l’économiste François Delorme. L’objectif ultime de cet exercice de dialogue social a été de se projeter vers le Québec que nous voulons : solidaire, prospère et vert.
La prémisse de la démarche fut de reconnaître et renforcer l’interdépendance de l’économie, de la société et de l’environnement. Un pilier ne jouxte pas l’autre, ils se nourrissent l’un l’autre : les perturbations climatiques et environnementales n’affectent pas de façon égale riches et pauvres qui, à leur tour, n’ont pas les mêmes moyens financiers de faire face aux dérèglements climatiques et environnementaux. En ayant des indicateurs mesurables prenant le pouls de chaque pilier, et qui vont donc au-delà d’une seule mesure monétaire du progrès (le PIB), nous pouvons renforcer cette dynamique de manière cohérente et systématique. Cette façon de faire permet aux différents gouvernements d’être plus efficaces dans la surveillance des différents piliers et de prendre les mesures correctrices qui s’imposent.
L’absence d’une reddition de compte fréquente sur l’évolution de ces piliers limite la capacité du public à tenir nos décideurs publics et d’autres acteurs imputables des résultats de leurs actions sur plusieurs volets importants de la vie quotidienne des Québécoises et des Québécois. En ayant à notre disposition une large perspective d’indicateurs mesurant le progrès de la société, nous assurons que le bien-être collectif et la qualité de vie s’accroissent de façon inclusive pour toute la population. Pourquoi ces indicateurs? Le défi le plus important de la démarche a été de maintenir un équilibre entre l’exhaustivité et la simplicité. Un trop grand nombre d’indicateurs pourrait rendre difficiles la compréhension des objectifs pour le Québec et la détermination des domaines prioritaires pour les politiques publiques. Tandis qu’un trop petit nombre de dimensions pourrait signifier que le cadre ne saisit pas les enjeux importants pour la qualité de vie. Les indicateurs ont été sélectionnés en gardant à l’esprit le souhait de maintenir une approche résolument prospective, un équilibre des volets économiques, sociaux et environnementaux, ainsi qu’un équilibre entre les indicateurs macro et micro. Plus précisément :
L’indicateur nous informe-t-il sur la qualité de vie et le bien-être au Québec ?
Peut-il être mesuré correctement ? Nous avons privilégié à chaque fois que cela était possible les sources officielles (Statistique Canada ou l’Institut de la statistique du Québec)
Son suivi (annuel) est-il aisé ? La majorité des indicateurs ont une mise à jour annuelle. Cependant, certains indicateurs sont mis à jour de manière occasionnelle (pour la plupart aux deux ans)
Peut-il être utilisé dans l’élaboration des politiques socio-économiques et renforcer le message d’interdépendance des piliers économiques, sociaux et environnementaux ?
Zones d’incertitude Le projet d’élaboration des Indicateurs du bien-être au Québec a aussi posé un certain nombre de défis méthodologiques, inhérents à la volonté de présenter un portrait plus global et plus juste de notre société :
Un défi important de sélection, nécessitant de nombreux arbitrages entre le désir d’exhaustivité des catégories et des indicateurs et la simplicité et l’utilisation stratégique que l’on peut en tirer. Malgré leur grand intérêt, plusieurs indicateurs n’ont pas été retenus.
Un déficit majeur en matière de production et de collecte de données au Québec au sujet d’un très grand nombre d’enjeux qui interpellent la population québécoise et que nous aurions souhaité intégrer à notre tableau de bord. Ces indicateurs, surtout de nature sociale et environnementale, n’ont pas pu être chiffrés faute de données robustes et fréquentes. De même, l’absence de cibles pour de nombreux indicateurs limite l’interprétation des tendances.
Des données qui couvrent 50 ans. Cette troisième édition des Indicateurs de bien-être au Québec a actualisé l’ensemble des données présentées lors de la deuxième édition pour les trois juridictions initiales de l’exercice : le Québec, l’Ontario et le Canada. Les données les plus récentes ont été intégrées aux séries chronologiques existantes. L’analyse temporelle qui en résulte permet d’identifier les tendances générales émergeant de données remontant parfois au milieu des années 1970 et allant parfois jusqu’en 2022.
Certains indicateurs nécessitent une approche plus granulaire ou plus régionale. Une avenue de recherche éventuelle serait de développer des indicateurs régionaux ou au moins des filtres permettant de régionaliser les données présentées afin d’avoir un portrait plus juste de la situation pour certains enjeux. Il en va de même pour la granularité relative à l’âge, l’ethnicité ou le genre, notamment.
La démarche des Indicateurs du bien-être au Québec inspire !
Depuis son lancement en 2022, la démarche des Indicateurs du bien-être au Québec a essaimé et inspiré d'autres initiatives. La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), en collaboration avec la Fondation du Grand Montréal (FGM), a lancé 28 Indicateurs vitaux du Grand Montréal avec l'objectif de bâtir des milieux de vie abordables, sains et durables pour ses 82 municipalités. Cette initiative s’inspire des Indicateurs du bien-être au Québec et témoigne de l’impact positif de notre démarche et de l’importance de placer le bien-être au cœur des politiques publiques.
Un survol de la littérature au Québec, au Canada et à l’étranger
La proposition des Indicateurs du bien-être au Québec se base sur l’expérience de nombreuses juridictions et organisations internationales qui, au cours des dernières années, ont adopté des cadres de mesure du progrès allant au-delà du PIB et ciblant le bien-être de la population afin d’orienter leurs politiques publiques en ce sens.
Bien que les cadres particuliers varient d’un pays à l’autre, nombreux sont ceux qui contiennent un ensemble d’indicateurs globalement similaires, reflétant un large consensus scientifique sur les principaux déterminants du bien-être (dans notre cas c’est-à-dire l’environnement, l’économie et la société).
Certains pays utilisent leurs cadres de référence pour suivre les progrès et éclairer les débats sur les politiques publiques, sans mécanisme officiel pour intégrer les indicateurs de la qualité de vie au processus d’élaboration des politiques. D’autres pays sont allés plus loin en élaborant des mécanismes officiels pour intégrer leurs cadres de mesure au processus de prise de décisions et de budgétisation de leur gouvernement. Une dernière catégorie de nations a utilisé leurs cadres pour fixer des priorités et des cibles, harmoniser les objectifs stratégiques à l’échelle du gouvernement, surveiller le rendement et éclairer leurs décisions stratégiques.
Ce survol de la littérature s’inspire d’un travail de recensement similaire présenté dans un récent rapport de Finances Canada (2021).
Cadres de référence | Piliers thématiques |
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Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi) Hyperlien |
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Indice du vivre mieux de l’OCDE Hyperlien |
11 thèmes considérés comme essentiels au bien-être. L’usager peut modifier à sa guise la pondération qu’il accorde respectivement à chacune des variables.
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Objectifs de développement durable de l’ONU Hyperlien |
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Indice de développement humain (IDH) de l’ONU Hyperlien |
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L’Indice du mieux-être du Canada Hyperlien (en anglais) |
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Cadre canadien d’indicateurs (CIC) Hyperlien |
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L’indice de progrès véritable (IPV) du Québec (Commissaire au développement durable) Hyperlien |
2. Les composantes du progrès et du bien-être :
3. Les composantes du “revenu psychique” :
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Tableau de bord pour la mesure de l’économie verte au Québec (Institut de la statistique du Québec, MELCC, MEI) Hyperlien |
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Comparer Montréal (Institut du Québec) Hyperlien |
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Signes vitaux du Grand Montréal (Fondation du Grand Montréal) Hyperlien |
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Indice de santé de l’économie du Québec (PwC) Hyperlien |
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Cadre de niveau de vie de la Nouvelle-Zélande (CNV) Hyperlien (en anglais) |
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Cadre national de rendement (CNR) de l’Écosse Hyperlien (en anglais) |
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Le bien-être en Allemagne Hyperlien (en anglais) |
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Bien-être équitable et durable en Italie Hyperlien (en anglais) |
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Indicateurs de la mesure du bien-être en Islande Hyperlien (en anglais) |
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Indicateurs de richesse nationale (France) Hyperlien |
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Bien-être du Pays de Galles Hyperlien (en anglais) |
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Bonheur national brut (BNB) du Bhoutan Hyperlien (en anglais) |
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Indice de progrès véritable Hyperlien (en anglais) |
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Rapport mondial sur le bonheur Hyperlien (en anglais) |
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