RAPPORT D’ANALYSE 4e édition des indicateurs de bien-être
Contexte
Depuis 2022, le collectif G15+ propose un suivi régulier des Indicateurs du bien-être au Québec, un outil qui dépasse les seuls indicateurs économiques et permet de dresser un portrait détaillé de la société québécoise à travers trois dimensions : économie, société, environnement. Ces indicateurs contribuent à la construction d’une société solidaire, prospère et verte, tout en offrant aux décideurs publics des repères pour placer le bien-être au cœur de leurs politiques.
Le présent document est le fruit de l'analyse des tendances de la 4ᵉ édition des Indicateurs du bien-être. Il présente un bilan des forces et des défis du Québec en matière de bien-être, en s'appuyant sur des données récentes.
Cette analyse vise à fournir un portrait synthétique mais complet de la société québécoise, afin de mieux connaître les déterminants de son bien-être et d’orienter les actions gouvernementales futures pour renforcer la résilience et la qualité de vie des Québécoises et Québécois. Cette démarche a déjà fait ses preuves comme le montre la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) avec ses Indicateurs vitaux du Grand Montréal ou la Communauté métropolitaine de Québec qui élabore actuellement ses propres indicateurs de bien-être métropolitain afin de mesurer les progrès, identifier les défis et orienter les politiques.
Sommaire
La multiplication des crises systémiques - environnementales, sociales, démocratiques, sanitaires et maintenant tarifaires - a fait croître l’instabilité sociale, économique et politique à travers le monde. Le Québec n'y échappe pas.
En 2022, le G15+ lançait l'initiative des indicateurs de bien-être au Québec afin de compléter l’utilisation du PIB par un portrait plus détaillé des dimensions sociales, environnementales et économiques sur lesquelles reposent le bien-être et la résilience des Québécois. Quatre éditions plus tard, au cours desquelles plus d'une cinquantaine d'indicateurs ont été mis à jour, l'initiative du G15+ a fait boule de neige.
Bien que le niveau de bien-être au Québec soit un des plus élevés au monde, les membres du G15+ constatent que la situation se détériore pour plusieurs segments de la société, notamment les personnes déjà vulnérables et les jeunes travailleuses et travailleurs.
Sur les 54 indicateurs de bien-être du G15+, mis à jour dans cette 4e édition, 11 sont en déclin, notamment en matière de logement, d'insécurité alimentaire et de santé mentale. De plus, des données récentes montrent une dégradation inquiétante du taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans.
Au même moment, le Québec continue de bien faire au plan canadien et international, notamment en matière d'espérance de vie, de réduction des inégalités hommes-femmes sur le marché du travail et d'endettement des ménages. Fait particulièrement important, c'est au Québec que les inégalités de revenus sont les moins importantes parmi une douzaine de juridictions comparables.
Les membres du G15+ en appellent à ce que la société québécoise fasse de l'amélioration du bien-être un objectif collectif afin de transformer ses acquis en actions durables. Ils souhaitent aussi que l'on renforce les piliers sur lesquels reposent notre résilience face aux crises actuelles, à savoir la qualité du filet social, la redistribution de la richesse et le renforcement du dialogue social.
Le Québec, société résiliente ?
La multiplication des crises systémiques - environnementales, sociales, démocratiques, sanitaires et maintenant tarifaires - a fait croître l’instabilité sociale et politique à travers le monde. Les sociétés qui y résistent le mieux sont celles qui savent faire preuve de résilience, soit la capacité de résister, d’absorber et de se remettre de chocs, tout en maintenant un fonctionnement adéquat et en préservant leur caractère démocratique, leurs valeurs fondamentales et leur cohésion sociale.
Depuis la récente pandémie, la société québécoise se montre particulièrement résiliente, à plusieurs égards. Le filet social, des politiques publiques inclusives, une économie diversifiée et dynamique et un moins grand niveau d’inégalité qu’ailleurs sont des piliers sur lesquels repose cette résilience. Le dynamisme du marché du travail et le niveau d’endettement des ménages montrent une reprise post-pandémique légèrement plus robuste au Québec que dans d’autres juridictions étudiées. Toutefois, certains indicateurs sociaux se détériorent (logement, santé mentale, insécurité alimentaire) au Québec comme ailleurs.
QUELQUES MESURES DE RÉSILIENCE POST-PANDÉMIE :
De manière générale, au cours des 10 dernières années, si une dizaine d’indicateurs de bien-être se sont détériorés, la majorité (32) des indicateurs de bien-être évoluent positivement.
Les inégalités hommes-femmes sur le marché du travail se sont réduites.
Après une brève augmentation du taux de chômage en 2020 en raison de la pandémie, le taux a retrouvé relativement rapidement un niveau s’approchant du plein-emploi. Chiffre à nuancer avec la récente hausse du taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans qui a atteint un sommet en juillet 2024 (12,1%).
L’endettement est demeuré au niveau plus faible atteint lors de la pandémie, alors que le Canada et l’Ontario ont vu l’endettement des ménages augmenter. Les Québécoises et Québécois se disent mieux outillés pour absorber une hausse des taux d'intérêt (26 %, 1 % de plus que l’année d’avant) ou un supplément de 130$ en paiements d'intérêts (25 %, +3 %).
Bien que le bien-être au Québec soit un des plus élevés au monde, des vents de face viennent compromettre les acquis, notamment pour les plus vulnérables.
Il convient ainsi d’identifier les raisons qui nous rendent plus résilients pour mieux les renforcer, tout en travaillant à inverser plusieurs des tendances préoccupantes, notamment sur le plan social et environnemental. C’est l’objectif que poursuit le G15+ dans le cadre de la présente initiative.
DES RAISONS DE SE PRÉOCCUPER :
Une dizaine d’indicateurs de bien-être, notamment sociaux et environnementaux, se détériorent, bien que le Québec fait toujours bonne figure par rapport aux autres juridictions.
Au plan environnemental, au maintien de fortes émissions de GES s’ajoute une perte de 72% des populations des espèces en situation précaire depuis 1970 et une augmentation importante des espèces exotiques envahissantes (19 nouvelles introduites au Québec entre 2006 et 2023).
Quelque 72,2 % des Québécoises et Québécois ont ressenti une dégradation de leur pouvoir d'achat en 2023. Cette détérioration du pouvoir d’achat impacte différemment la population selon les niveaux de revenus et le lieu de résidence. Les gens à faibles revenus dépensent proportionnellement plus pour se loger, se nourrir et se soigner que les autres. Ce sont aussi ceux et celles qui voient leurs revenus augmenter le moins. Les Québécoises et Québécois ne disposant pas d’un système de transport en commun performant et fiable paient davantage pour assurer leurs déplacements que les autres, ce qui impacte négativement les personnes citoyennes des régions.
Plus particulièrement, la forte croissance des dépenses consacrées à se loger, l'insécurité alimentaire et la santé mentale se sont dégradées.
La proportion des personnes vivant en situation d'insécurité alimentaire est en hausse constante depuis 2018, alors que les dépenses des ménages en alimentation ont aussi augmenté de manière significative depuis la pandémie.
Depuis 2024, le marché du travail facilite moins l’accès des jeunes. Le chômage chez les jeunes (15-24 ans) a atteint 9,5% en 2024. Cependant, ce taux de chômage demeure le 5e plus faible pour les 15-24 ans depuis 1976.
Pour les membres du G15+, la question fondamentale est la suivante : comment renforcer notre résilience, notamment pour les plus vulnérables, face à des défis collectifs toujours plus complexes ?
CONSTAT 1 - Un Québec moins riche sur papier, mais avec une meilleure qualité de vie
Le Québec rattrape toujours son retard historique à l’échelle canadienne pour les indicateurs économiques traditionnels :
Revenu par habitant ;
Taux de chômage ;
PIB par habitant ;
Productivité du travail ;
Recherche et développement (R&D) ;
Investissement en capital ;
Temps partiel involontaire ;
Travail temporaire ;
Qualité d'emploi ;
Études post-secondaires ;
Ratio dette-PIB ;
Endettement des ménages.
Par contre, il semble bien que le pouvoir d’achat des Québécoises et Québécois est aujourd’hui supérieur, en général, à celui des Ontariens. L’économiste Pierre Fortin, grâce à une méthode de calcul qui intègre les différences des niveaux de prix et la parité des pouvoirs d'achat entre le Québec et l’Ontario, constate qu’en 2022, le pouvoir d’achat des Québécoises et Québécois était supérieur de 0,6% à celui des Ontariens.
Quoiqu’il en soit, nous surpassons la moyenne pour les indicateurs économiques non liés au PIB de l’Ontario et du reste du Canada :
Taux d’emploi ;
Not in education, employment or training (NEET) ;
Compétences (PISA) ;
Dynamisme entrepreneurial.
De plus, nous affichons une meilleure performance générale par rapport à l’Ontario et au Canada pour les indicateurs sociaux et environnementaux.
Le Québec, statistiquement moins riche que les autres, jouit d’un meilleur niveau de bien-être à l’échelle canadienne. D’où le paradoxe : moins riches qu’ailleurs, mais avec une meilleure qualité de vie.
CONSTAT 2 - Comparaison Québec et États-Unis : la vraie richesse, c’est le bien-être
Bien-être plutôt que le PIB : le Québec prend de l’avance
La comparaison entre le Québec et les États-Unis illustre de façon frappante que la performance économique seule ne détermine pas le bien-être global d’une population. Si les États-Unis surpassent le Québec pour une majorité d’indicateurs économiques, le Québec excelle pour une proportion encore plus grande d’indicateurs sociaux et environnementaux.
Trop peu d’indicateurs environnementaux permettent une comparaison entre le Québec et les États-Unis pour présenter des statistiques concluantes. Cependant, les indicateurs environnementaux pour lesquels la comparaison est possible montrent généralement que le Québec fait mieux en environnement que les États-Unis.
Les inégalités de revenus sont beaucoup moins importantes au Québec qu’aux États-Unis depuis au moins dix ans.
L’écart du taux d’emploi entre hommes et femmes est également plus faible au Québec, depuis l’avènement des garderies subventionnées.
En 2022, l’espérance de vie à la naissance était six ans plus élevée au Québec qu’aux États-Unis, avec une tendance continue à la hausse au Québec, alors que celle des États-Unis a reculé drastiquement depuis le début de la pandémie. Non seulement le Québec affiche de meilleurs résultats en santé, mais les États-Unis, bien que représentant 4,2 % de la population mondiale, ont cumulé près de 17 % du total des décès liés à la COVID-19.
Environnement : Le Québec se démarque également sur les indicateurs environnementaux, avec une part plus élevée d’énergie renouvelable et des émissions de GES par habitant plus faibles.
La mobilité sociale est plus grande au Canada qu’aux États-Unis : pour la cohorte 1980-1982, 28 % des Canadiennes et Canadiens restent dans le quintile de revenu inférieur à l’âge adulte, contre 34 % aux États-Unis.
Bonheur et bien-être global : Selon le World Happiness Report 2024, le Canada se classe 18e mondialement, devant les États-Unis qui sont 24e. Cela reflète la combinaison de la santé, de la liberté, de la générosité et de la qualité du filet social, au-delà de simples indicateurs économiques.
Les différences de politiques sociales expliquent en grande partie ces écarts
Même si les systèmes de santé canadien et québécois demeurent perfectibles, la comparaison avec le système américain est frappante.
Les États-Unis ne disposent pas d’un système national d’assurance maladie unique et présentent le système de santé le plus cher et inéquitable du monde développé.
Les États-Unis sont de loin la nation développée dont le coût du système de santé est le plus élevé (en proportion du PIB et par habitant) et ont l’accès aux ressources médicales par habitant le plus faible (médecins, lits, infirmiers).
Les États-Unis enregistrent la plus faible espérance de vie à la naissance, les plus hauts taux de mortalité infantile et maternelle, de décès évitables, de maladies chroniques, de suicides et un taux d’obésité deux fois supérieur à la moyenne de l’OCDE.
Filet social et familles : Le Québec offre encore le seul système universel de garde d’enfants à faible coût en Amérique du Nord, alors que le système américain est fragmenté et sous-financé, laissant une part significative d’enfants sans soutien.
Congés parentaux : Le Régime québécois d’assurance parentale (depuis 2006) offre jusqu’à 50 semaines de congé parental rémunéré, accessible dès 2 000 $ de revenu gagné l’année précédente. Contraste percutant, les États-Unis sont le seul pays de l’OCDE à ne garantir aucun congé parental rémunéré. Aux États-Unis, aucun congé parental rémunéré n’est garanti au niveau fédéral ; le Family and Medical Leave Act offre uniquement un congé sans solde de 12 semaines, avec critères stricts d’éligibilité.
Pour les membres du G15, il est clair que le modèle des États-Unis n’est pas celui à suivre pour le Québec.
CONSTAT 3 - La biodiversité s’étiole, ici comme ailleurs
Les indicateurs de bien-être du G15+ comptent maintenant 4 nouveaux indicateurs de biodiversité, comblant ainsi un angle mort soulevé dans les dernières éditions.
Essentielle à la prospérité collective, à la santé des populations, à la résilience des milieux de vie et à la cohésion sociale, la biodiversité - ici comme ailleurs - est soumise à des pressions croissantes. Malgré les avancées en protection du territoire et en connaissances scientifiques, le déclin des espèces en situation précaire se poursuit, et les espèces exotiques envahissantes continuent de se propager, menaçant les équilibres écologiques.
Ainsi :
L’état des connaissances en matière de biodiversité s’est beaucoup développé au cours des dernières décennies, ce qui nous permet de mieux comprendre les tendances. Cependant, cet indicateur demeure fragile, car il repose en partie - bien que pas exclusivement - sur des données et des inventaires produits par le gouvernement du Québec, dont certains semblent récemment réduits ou suspendus.
Depuis 1970, les espèces en situation précaire suivies sur le territoire québécois (dont le béluga, le carcajou, les chauves-souris) ont perdu en moyenne 72% de leurs populations.
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) exercent une pression croissante, en augmentation continue au Québec depuis 1920, sans phase de stagnation. En 2025, 60 EEE floristiques sont établies au Québec. Au total, 19 nouvelles EEE ont été introduites au Québec entre 2006 et 2023. L'accroissement est lié à la mondialisation (échanges commerciaux, transports, tourisme) et aux changements climatiques.
La combinaison du déclin des espèces précaires et de la prolifération des EEE constitue une double menace pour la biodiversité québécoise, exigeant des actions renforcées de prévention, de détection et de contrôle.
Bonne nouvelle, le Québec semble en voie d’atteindre l'objectif mondial de protection de 30 % du territoire :
17 % du territoire québécois est officiellement désigné comme protégé, une progression notable vers l’objectif de 30 % d’ici 2030. La répartition des superficies protégées est cependant inégale : 19 % du territoire au nord du 49e parallèle est protégé, contre 9,4 % au sud.
Près de 400 projets d’aires protégées au Sud du Québec sont actuellement soumis à un vaste exercice de concertation régionale (voir encadré). Les projets qui seront retenus devraient permettre au Québec d’atteindre l’objectif de protection de 30 % du territoire d’ici 2030, une avancée significative à l’échelle mondiale si elle se concrétise.
Les membres du G15+ expriment tout de même une préoccupation à l’endroit du territoire qui ne fera pas l’objet de mesures de protection.
Concertations régionales sur les aires protégées et les espèces exotiques envahissantes : une action concrète
Le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) a obtenu un mandat de concertation pour aider le gouvernement du Québec à atteindre ses objectifs de protection de la biodiversité. Ce mandat s'inscrit dans le cadre du Plan Nature 2030, qui vise à conserver 30 % des milieux continentaux et 30 % des milieux marins et côtiers du Québec d’ici 2030. Des tables de concertation régionales, impliquant des acteurs locaux et régionaux, devront évaluer le potentiel de près de 400 propositions d’aires protégées en milieu continental. Les projets qui seront retenus feront progresser le Québec vers l’atteinte de la cible mondiale de protection du territoire d’ici 2030.
Le RNCREQ, avec l’appui financier du MELCCFP, coordonne également un projet de concertation pour développer des stratégies régionales de lutte contre les espèces exotiques envahissantes floristiques. Grâce à la création de tables de concertation locales, chaque région fera un diagnostic de son territoire et développera un plan d’action pour renforcer la lutte aux EEE floristiques. Une table nationale sera également déployée pour favoriser un esprit de collaboration entre les régions et partager les apprentissages.
CONSTAT 4 - Crise du logement : un Québec plus résilient qu’ailleurs mais qui souffre quand même
La situation du logement se dégrade de manière intolérable, notamment pour les plus vulnérables. Lors du dernier recensement, selon Statistique Canada, 173 000 ménages locataires québécois avaient des besoins impérieux de logement. À cela s'ajoute une hausse des loyers records de 19,8 % en 2023 (selon l’étude Léger 2024) et près de 373 000 ménages locataires québécois, ayant un revenu médian de 23 800$, dont plus de 30 % de leur revenu sert à se loger. Avec un revenu médian au Québec de 56 600 $, les populations vulnérables sont ici touchées de plein fouet par la crise du logement.
Cette situation s’insère dans un contexte de détérioration sociale marquée par la hausse de l’insécurité alimentaire et de la santé mentale. La crise du logement ne se limite pas au toit : elle déstabilise directement le budget des familles et les entraîne dans un cycle d’endettement qui affecte leur sécurité économique et leur bien-être global.
Bien que la proportion des ménages ayant des besoins impérieux en logement ait diminué au cours des dernières années, la rareté des logements abordables, la hausse des loyers, le manque de prévisibilité des investissements et la stagnation des revenus pour les quintiles inférieurs font craindre une détérioration encore plus importante pour des segments importants de la société.
Le taux d’inoccupation a augmenté en 2024 (1,8 %) pour se rapprocher légèrement du taux d'un marché du logement à l'équilibre (3 %). Le marché du logement a donc connu un léger relâchement accompagné par une proportion de ménages ayant des besoins impérieux de logement qui est en baisse depuis 2018 et se situe à un niveau inférieur à celui observé en Ontario et dans l’ensemble du Canada.
Il est important de noter ici que cet indicateur ne prend pas en compte l’impact différencié sur les populations plus vulnérables et le renforcement de l’inabordabilité chez ces dernières.
Cette situation ne devrait pas occulter des réalités très préoccupantes.
L’inabordabilité du logement est corrélée à un recours accru au crédit pour couvrir les autres besoins essentiels. Selon une enquête de l’INRS, 23% des Québécois s'endettent aujourd’hui pour payer leurs dépenses courantes.
Cette hausse marquée du coût de la vie accentue l’itinérance, la pauvreté matérielle et fragilise la santé.
À cet égard, entre 2021 et 2024, les demandes d’aide alimentaire ont bondi de 55 %, dont +13 % entre 2023 et 2024.
De manière générale, les inégalités de revenus et de richesses, la financiarisation d’une partie du parc de logements et le désengagement de l’État accentuent les effets de la crise du logement sur les segments les plus vulnérables de la population. Les effets des politiques de redistribution de la richesse et le secteur du logement hors-marché, social et abordable - notamment en économie sociale - y sont plus importants qu’ailleurs en Amérique du Nord. Ces facteurs pourraient expliquer, en partie, notre relative résilience en ce domaine.
Bâtir ensemble : 20 % de logements à but non lucratif, incluant le logement communautaire et social pour transformer le Québec
Offrir des milieux de vie de qualité, adaptés aux besoins des personnes vulnérables est une nécessité sociale. Le logement à but non lucratif, incluant le logement communautaire et social est une solution qui rapporte plus qu’elle ne coûte et bâtit des milieux de vie durables, inclusifs et adaptés aux populations ayant des besoins spécifiques.
Pour atteindre l’objectif de 20 % de logement à but non lucratif, incluant le logement communautaire et social au Québec, il est nécessaire d’augmenter les investissements publics et privés, de renforcer la consolidation du secteur (mutualisation des connaissances et des pratiques), et de promouvoir des modèles et partenariats durables, le tout, en collaboration avec les différents paliers gouvernementaux.
D’autres cibles doivent aussi être atteintes pour sortir de la crise du logement comme de doter le Québec d'une cible d'inoccupation de logements, entre 5 %, qui est le nouveau seuil visé par le Grand Montréal, et 7 %.
Faire d’une pierre plusieurs coups
D’ailleurs, une grande corvée de construction de logements, en particulier de logement à but non lucratif, incluant le logement communautaire et social , nous permettrait de faire d’une pierre plusieurs coups. Nous pourrions obtenir des gains environnementaux et économiques importants en visant la construction de bâtiments verts.
Au Québec, les filières industrielles directement liées aux bâtiments verts (construction, énergies renouvelables, matériaux durables, efficacité énergétique, technologies numériques) représentent environ 120 000 emplois. La construction et la rénovation vertes forment désormais une chaîne industrielle à part entière, à fort potentiel d’exportation et de productivité.
Les actifs verts ou durables participent activement à réduire les coûts d’opération et de maintenance. Ils peuvent atteindre entre 20 à 50% avec un temps de retour sur investissement entre 4 à 8 ans (selon la typologie des bâtiments). Le taux de vacance est également réduit grâce à un meilleur confort pour les occupants (lumière, température, qualité de l’air).
Des défis colossaux pour résorber la crise
La SCHL estime que, pour résorber la crise actuelle, entre 430 000 et 480 000 logements devront être mis en chantier annuellement au Canada d’ici 2035, ce qui est nettement supérieur au nombre actuellement prévu de 245 000 à 250 000.
Cette situation s’accompagne :
D’une explosion du coût des matériaux ;
D’une rareté de la main-d’œuvre ;
De la concurrence de la part du secteur de la construction industrielle ;
D’un frein à l’adoption de technologies qui pourraient améliorer la productivité.
L’explosion du coût des matériaux de construction et la rareté de la main-d’œuvre dans un contexte de concurrence avec la construction industrielle nuisent à l’amélioration de la productivité.
Pour le G15+, sortir de façon durable de la crise du logement devra notamment passer par une hausse de la productivité, une prise en charge des enjeux de main-d'œuvre, ainsi que par une augmentation substantielle des investissements publics et privés pour atteindre un objectif de 20 % de logement à but non lucratif, incluant le logement communautaire et social au Québec, seule garantie de maintien des loyers hors spéculation. Le collectif propose également de s'inspirer de la Communauté métropolitaine de Montréal en dotant le Québec d'une cible d'inoccupation de logements, entre 5 % et 7 %.
Orienter les actions futures
À plusieurs égards, dans un contexte de crises multiples, le Québec fait mieux que d’autres. Mais si le Québec finalise son rattrapage économique dans l’ensemble canadien, la situation se dégrade sur le plan environnemental et social, notamment pour les plus vulnérables. Aujourd’hui, des vents de face menacent notre bien-être et notre résilience. La dégradation récente de plusieurs indicateurs nous préoccupe, en raison des impacts sur les autres composantes du bien-être.
Le G15+ considère que la qualité du filet social, les politiques de redistribution de la richesse, la qualité du dialogue social et une économie dynamique et diversifiée sont des piliers sur lesquels s’appuie notre résilience face aux crises actuelles. Face à la dégradation de certains acquis sociaux, économiques et environnementaux, nous n'avons pas le luxe de reculer et devons au contraire renforcer ces piliers.
Le G15+ demande que l’on fasse du renforcement de notre résilience et de l’amélioration de la qualité de vie un objectif prioritaire, notamment pour les plus vulnérables.
L’an prochain sera une année électorale au Québec, et nous souhaitons en particulier que les partis politiques inscrivent cette vision au cœur de leurs plateformes électorales.
Le G15+ appelle également le gouvernement à se doter officiellement d’indicateurs du bien-être afin de placer la qualité de vie de la population au cœur des choix collectifs. Les indicateurs développés par le G15+, bien que perfectibles, démontrent qu’un tel outil est non seulement possible, mais aussi structurant, adaptable et évolutif.
Loin d’être un exercice théorique, cette démarche a déjà fait ses preuves, et des petits. Plusieurs administrations sont en train de l’adopter, attestant de sa pertinence.
Au Québec, le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) soutient cette édition pour accroître la visibilité des indicateurs en biodiversité, soutenir la visibilité des cibles du Plan nature 2030 et mobiliser les connaissances issues des recherches en biodiversité.
À Québec, la Communauté métropolitaine de Québec élabore actuellement ses propres indicateurs de bien-être métropolitain afin de mesurer les progrès, identifier les défis et orienter les politiques vers un avenir durable et équitable. Ces indicateurs seront regroupés dans un tableau de bord offrant une vision intégrée du progrès à l’échelle métropolitaine.
À Montréal, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a développé les Indicateurs vitaux du Grand Montréal, une démarche inspirée des Indicateurs du bien-être, qui permet de suivre le développement de milieux de vie durables et le bien-être des populations à travers six dimensions : aménagement et mobilité, culture, social, économie, environnement et habitation. Ces indicateurs constituent un outil essentiel pour soutenir la mise en œuvre et le suivi du Plan métropolitain d'aménagement et de développement du Grand Montréal (PMAD), en offrant des données objectives pour orienter les décisions publiques.
À l’international, l’alliance Wellbeing Economy Governments (WEGo), dont fait partie le Canada, est une collaboration entre gouvernements nationaux et régionaux partageant leurs expertises et pratiques en économies du bien-être.
Mentionnons aussi que de plus en plus de villes québécoises se dotent de conseillers scientifiques, dont le rôle est d'aider les élus à prendre des décisions éclairées, contexte favorable pour l'adoption des indicateurs de bien-être à une échelle locale.
Le changement est déjà amorcé, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) propose des Indicateurs de progrès du Québec. Il ne s’agit plus que de faire le choix d’une stratégie pragmatique et mesurable pour placer la population et son bien-être au centre de l’action publique. Des indicateurs du bien-être endossés par le gouvernement constitueraient une boussole fiable et mobilisatrice pour guider les politiques, en évaluer l’efficacité et identifier où intensifier les efforts. En définitive, ce serait la garantie de pouvoir :
Mesurer concrètement nos progrès ;
Vérifier l’efficacité réelle des politiques publiques ;
Comprendre ce qui influence le bien-être des Québécois.
Le Québec a tout à gagner à institutionnaliser cette approche, qui allie rigueur et transparence, pour améliorer durablement la qualité de vie de sa population.
Des moyens concrets pour accroître la résilience du bien-être
Le G15+ propose une feuille de route allant au-delà de la croissance du PIB et de la création d’emplois et traçant la voie vers une société solidaire, prospère et verte, dont :
Insécurité alimentaire:
Mettre en place un programme de cantine scolaire universel proposant une alimentation saine et nutritionnellement équilibrée. (Proposition 21)
Fournir un soutien adéquat pour permettre aux organismes communautaires de remplir leur mission en inclusion sociale (Proposition 9)
Éducation:
Favoriser l'égalité des chances en éducation en augmentant les ressources dédiées aux programmes et aux mesures de soutien visant à rendre la formation plus accessible, avec pour objectif d'accroître la persévérance scolaire, la réussite éducative et le taux de diplomation (Proposition 2)
Biodiversité:
Consacrer une partie du PQI à la création et à la restauration de milieux naturels, en raison des bénéfices vitaux que ces réseaux d’infrastructures naturelles fournissent à la population. (Proposition 10)
Souhaiter un dénouement positif à un grand nombre de projets de création d'aires protégées soumis ces jours-ci à une concertation régionale.
Établir un état des lieux rigoureux de la biodiversité au Québec et déployer des outils permanents de suivi et de surveillance de son évolution, en s’appuyant sur les données scientifiques les plus récentes, accessibles et précises. Cela implique de consolider les inventaires d’espèces, de maintenir les programmes de suivi des espèces, et d’assurer la continuité des données produites par les institutions publiques, universitaires et citoyennes (Proposition 27).
Technologies:
Harmoniser le soutien technologique avec le développement de compétences dans le but d’optimiser l’intégration technologique et d’augmenter la productivité (proposition 4).
Un potentiel stratégique inexploré
Malgré un inventaire offrant un panorama détaillé des dimensions du bien-être, l'ajout de certains indicateurs supplémentaires permettrait d'informer de façon plus exhaustive les décideurs publics dans leur prise de décision. Cette quatrième édition identifie 18 indicateurs dits « orphelins » qui, une fois chiffrés, pourraient bonifier la liste actuelle. Ce déficit majeur de données robustes (c’est-à-dire publiquement accessibles, fiables, pertinentes, comparables, publiées et mises à jour régulièrement) limite encore à ce jour notre capacité à réaliser un diagnostic complet pour éclairer la prise de décisions.
Pourtant, certains de ces indicateurs orphelins pour le Québec sont déjà quantifiés par d’autres juridictions. Le Québec doit améliorer sa production et sa collecte de données s’il souhaite mieux comprendre les facteurs responsables de la qualité de vie de sa population.
Des indicateurs manquant ainsi toujours à l’appel dans les domaines suivants :
Économie
Économie sociale ;
Indice entrepreneurial collectif ;
Élasticité intergénérationnelle des revenus ;
Social
Qualité du système de garde à l'enfance ;
Itinérance ;
Santé environnementale ;
Engagement communautaire et implication bénévole ;
Vitalité des langues autochtones ;
Environnement
Adaptation
Total des catastrophes naturelles et urgences ;
Budget et investissements en adaptation aux changements climatiques ;
Adaptation aux changements climatiques ;
Impacts des changements climatiques sur les emplois ;
Transport
Trajets de longue durée en automobile pour se rendre au travail ;
Part modale des modes de mobilité durable ;
Biodiversité
Budget et investissements en matière de biodiversité ;
Évolution des écosystèmes ;
Aménagement
Artificialisation des sols ;
Capacité de séquestration de carbone.